Questions-réponses sur l’opération Turquoise
1) Pourquoi la France a-t-elle lancé l’Opération Turquoise ?
Le 6 avril 94, l’assassinat du Président du Rwanda déclenche la guerre civile dans ce pays. Des unités de la garde présidentielle et des milices hutus massacrent les populations tutsis, mais aussi les hutus modérés, c’est un véritable génocide.
L’essentiel de la force de l’ONU (MINUAR 1) s’étant inexplicablement retirée, près de 800000 personnes sont tuées, sans que la communauté internationale intervienne. Devant l’étendue des massacres qui se perpétuent, et l’absence de réactions concrètes des grandes puissances, la France insiste auprès des Nations Unies pour qu’une intervention ait lieu. Le 23 Juin, elle est mandatée par l’ONU pour conduire une force plurinationale d’interposition afin d’arrêter les massacres et protéger les populations de manière impartiale : c’est l’Opération Turquoise. La mission est limitée à deux mois à la demande de la France, ce délai étant nécessaire à la mise sur pied d’une nouvelle force de l’ONU la MINUAR 2.
2) Comment s’est déroulée l’Opération ?
L’intervention dans ce pays à la fois ravagé par la guerre civile, peuplé, et au relief montagneux, était très délicate. Il fallait mettre fin aux massacres en répondant à l’impératif d’impartialité qui nous imposait de n’entrer en contact frontal, ni avec les forces en déroute de l’armée gouvernementale (FAR), ni avec celles qui progressaient (tutsis de l’extérieur, FPR du Général Kagamé).
L’Opération a connu trois phases. La première, de fin Juin au 7 Juillet, visait à assurer, depuis le Zaïre, la mise en place du premier échelon de la Force, et à arrêter les massacres. Près de 10000 tutsis regroupés dans le camp de Niarushishi ont ainsi pu être sauvés. Mais avec des effectifs très réduits, peu d’informations sur l’état des forces en présence, et d’inévitables provocations, l’action ne pouvait qu’être limitée.
Pour emplir la mission sans se heurter avec le FPR les Nations Unies ont alors décidé la création d’une « Zone Humanitaire Sure » contrôlée par l’Armée Française au Sud Ouest du Rwanda. Les milices y ont été progressivement désarmées ainsi que les quelques unités FAR qui s’y trouvaient ou avaient tenté de s’y réfugier. La sécurité étant assurée, les organisations humanitaires ont pu revenir dans la zone ;
Dans la dernière phase l’exode massif des populations, terrorisées par l’avancée du FPR, qui fuyaient vers le Zaïre a été contenu.
Tout cela s’est passé en totale transparence et sous le regard constant, et parfois suspicieux, de nombreux observateurs, journalistes ou membres d’ONG.
3) Quel en est le bilan ?
Turquoise n’a pas empêché le génocide, déjà perpétré pour l’essentiel, mais elle a permis d’y mettre fin. Au total, plusieurs dizaines de milliers de vies ont été sauvées, de tutsis comme de hutus. Aussi important a été le rétablissement des conditions permettant a l’ensemble des moyens humanitaires, en particulier aux ONG, d’intervenir. En limitant l’exode des populations et en les fixant dans la Zone Humanitaire, la déstabilisation du Zaïre et les épidémies ont pu être évitées. Cela n’a malheureusement pas été le cas au nord de la zone Turquoise, où plus d’un million de personnes terrorisées ont fui au Zaïre devant l’avancée du FPR du Général Kagamé.
A l’issue de Turquoise, ce bilan très positif a été largement salué par la communauté internationale.
4) Alors pourquoi ces violentes critiques ?
En effet, plus de 10 ans après, voici que sont déposées des plaintes – étonnamment tardives – contre l’action de militaires français qui se seraient livrés à des actes de « complicité de génocide ». Parallèlement, des campagnes de presse fort bien orchestrées remettent en cause la finalité de l’Opération Turquoise. Devant de telles attaques, manifestement infondées, j’ai décidé de créer l’association France-Turquoise, pour défendre les militaires injustement attaqués et participer à l’établissement de la vérité.
Car on doit constater que ces critiques sont apparues alors qu’avait progressé l’enquête du Juge Bruguière concluant à la responsabilité de l’entourage proche du Général Kagamé dans l’évènement déclencheur du génocide.
Pour ma part, et en tant que responsable de Turquoise, je m’étais dès 1994 interrogé sur la stratégie de M. Kagamé : intervention inexplicablement tardive de son armée pour soutenir les tutsis de l’intérieur – refus de tout cessez-le-feu demandé par l’ONU, par l’armée FAR vaincue, et le Commandant de Turquoise – volonté de pousser la population vers le Zaïre, facilitant ainsi la fuite des génocidaires… Face à l’impossibilité de prendre le pouvoir par la voie démocratique initiée par les accords d’Arusha, n’y a-t-il pas eu conquête militaire par la force, au prix de massacres prévisibles enclenchant le processus incontrôlable ?
5) Craignez-vous la Justice et qu’en attendez-vous ?
Nous avons confiance dans la Justice de notre pays et souhaitons que soit faite toute la vérité. Si des fautes individuelles avaient été commises, que la Justice en tire les conséquences. Mais aussi que soient mises à jour les éventuelles instrumentalisations des témoignages produits. Car plusieurs contrevérités ne font pas une vérité. Qualifier de « complice du génocide » l’action de la Force Turquoise, c’est procéder à un amalgame grave, diffamatoire et indigne.
On comprend aisément à qui servent de telles actions de diversion.
6) Et qu’attendez-vous des médias ?
Qu’ils fassent preuve de sens critique et de responsabilité devant ces attaques qui ne vont pas manquer de se multiplier. Le pouvoir en place à Kigali sait très habilement jouer sur l’émotion que suscitent de telles horreurs. Il s’appuie efficacement sur des relais d’opinion fort bien organisés dans le monde et en France.
Plus la responsabilité de ce pouvoir risque d’apparaître, plus celui-ci jouera pour attiser la culpabilité de l’opinion publique et accuser la France.
7) Votre conclusion ?
En ayant seule, et avec quelques pays africains, eu le courage d’intervenir avant la fin de ce drame, la France ne choisissait pas la facilité.
L’Armée Française a rempli au Rwanda la mission que son pays et l’ONU lui avaient confiée.
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