Rwanda : témoignage du Commandant de l’opération Turquoise
Rappelons brièvement les faits :
Dans les jours suivant l’assassinat du Président rwandais(d’origine Hutu), l’essentiel de la force de l’ONU (MINUAR) s’étant retirée, près de 800000 personnes, en majorité des Tutsis, sont massacrées par les Hutus sans que la communauté internationale intervienne. Fin juin, sur proposition de la France l’ONU décide l’envoi d’une force internationale pour mettre fin aux massacres, sans prendre part au conflit entre les armées hutu et tutsi : c’est l’Opération Turquoise. L’action est suivie sur le terrain, souvent avec suspicion, par de très nombreux observateurs français et étrangers (medias, ONG etc.…). Il est trop tard pour empêcher le génocide, mais Turquoise permet d’y mettre fin en sauvant des milliers de vies. Elle fixe sur le territoire une grande partie de la population, fuyant vers le Zaïre, face à l’armée du FPR (Tutsis de l’extérieur) commandée par le Général Kagamé. Celui-ci met en déroute l’armée du régime en place et provoque la fuite des populations à l’extérieur du pays, qui a pour conséquence le déclenchement d’une grave épidémie de choléra. Le bilan de Turquoise est alors largement salué à l’ONU et dans les medias du monde entier.
En 1997 la Mission d’Information Parlementaire Française présidée par M. Paul Quilès, réalise sur le sujet un travail approfondi et digne d’une grande démocratie, qui répond aux accusations qui se font jour contre l’action de notre pays et de son armée au Rwanda.
Dix ans après ces évènements, des plaintes, étonnamment tardives et actuellement en cours d’instruction, sont déposées contre l’action des soldats français au Rwanda qui se seraient rendus « complices du génocide ».
Or, j’affirme qu’il n’y a eu aucune ambiguïté dans les instructions reçues, données, et dans la façon dont celles-ci ont été exécutées. Dire que l’armée française a agi en « complice du génocide » est faux, diffamatoire et inacceptable.
C’est pourquoi j’ai créé l’Association France-Turquoise, dont l’objet est de défendre les militaires injustement attaqués et de contribuer à l’établissement de la vérité sur ce drame.
Dés 1994, je m’étais posé des questions sur la stratégie du Général Kagamé : Intervention inexplicablement tardive de son armée, refus de tout cessez-le-feu …etc.
Face à l’impossibilité de prendre le pouvoir par la voie démocratique initiée par les accords d’Arusha auxquels avait contribué la France, la solution n’était-elle pas une conquête militaire par la force quelqu’en soit le prix ?
Peut être pour éviter une mise en cause devant la communauté internationale, le régime de Kigali a préventivement contre attaqué : outre les violentes critiques et les plaintes mentionnées, en créant une commission d’enquête interne destinée à « montrer l’implication de la France dans le génocide »…
Jouant sur l’émotion que suscitent de telles horreurs, et s’appuyant efficacement sur des relais d’opinion bien organisés, le Président Kagamé fait tout pour attiser la culpabilité de l’opinion et accuser la France.
Or, je constate que les mêmes qui condamnent l’inaction de la communauté internationale dans ce drame fustigent l’action de la France, qui a eu seule le courage d’intervenir. Les mêmes qui déplorent l’inaction de la Justice internationale récusent l’action de la Justice française parce qu’elle n’a pas conclu dans le sens souhaité par ceux qui voulaient l’empêcher d’enquêter sur les origines de l’attentat.
Il n’est pas question de nier le génocide rwandais, mais de chercher à faire la lumière sur ses origines. Et s’il s’avère que la réalité est plus complexe qu’on ne le pensait, c’est refuser de la voir que d’accuser de révisionnisme ou de négationnisme ceux qui cherchent à l’éclairer. Car dénoncer les manœuvres de l’équipe au pouvoir à Kigali ne consiste pas à nier le génocide ni à ignorer les responsabilités de l’équipe qui était antérieurement au pouvoir au Rwanda.
L’Association France-Turquoise a reçu l’appui de nombreuses personnalités venant d’horizons politiques variés. Elle agit en concertation avec le Ministère de la Défense. Elle bénéficie du soutien de plusieurs parlementaires français (*).
S’agissant de la défense de notre pays cette action dépasse la mission d’une association. Il est donc essentiel que les parlementaires soient informés de ce sujet et qu’ils prennent conscience de ses enjeux.
Général (2S) Jean Claude Lafourcade
Président de l’association France Turquoise
(*) Une délégation de l’association existe au sein de l’Assemblée Nationale à l’initiative de Michel Voisin, député de l’Ain, vice-président de la Commission de défense Nationale.