Mais auparavant, au mois de mai, lors du prochain sommet qui aura lieu à Nice, sur la Côte d’Azur, les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats de l’Afrique des Grands Lacs débattront de cette question avec le président Nicolas Sarkozy. Les directives qui y seront arrêtées, seront certainement transmises aux ministres des pays concernés qui se retrouveront au mois de juin avec les bailleurs de fonds.
Selon le Journal Les Echos, la France souhaite l’éclosion des « projets communs » entre ces pays en matière économique, notamment dans l’Energie, le développement agricole ou l’exploitation forestière. Selon la même source, « l’idée, c’est que si on veut aider à surmonter les clivages politiques, les conflits dans cette région, il faut favoriser la coopération et l’intégration régionale ».
On ne doute pas que pendant son séjour de trois heures à Kigali, le président français s’entretiendra de la tenue de cette conférence avec son homologue rwandais, le président Paul Kagame.
Marché Commun
Cependant, ce n’est pas la première fois que le président Sarkozy évoque l’organisation de cette conférence. En janvier 2009, lors de la présentation des voeux au corps diplomatique, le président français s’était attardé sur les perspectives de paix dans la région des Grands Lacs. Aussi, appelait-il à une « nouvelle approche de paix » dans l’Afrique des Grands Lacs. Il avait suggéré le « partage en commun de l’espace et les abondantes richesses minières dont regorge la République démocratique du Congo, un pays immense à la gouvernance étrange avec le « petit » Rwanda ». Il souhaitait la mise en place d’un « Marché commun » pour favoriser les échanges économiques.
C’était le « Plan Sarkozy » dénoncé par des Congolais pour autant qu’ils y voyaient une tentative de balkanisation de la RDC. En visite officielle à Kinshasa, après avoir accordé une interview à la presse congolaise, le président français s’était défendu de disposer d’un plan, que ses propos ont été mal interprétés, mais avait réaffirmé son attachement à « l’intangibilité des frontières » de la RDC. « La première vérité, c’est que la souveraineté du Congo est inaliénable et la France sera toujours à vos côtés pour le respect de cette souveraineté », avait-t-il déclaré, à Kinshasa.
A cette occasion, le président Sarkozy avait annoncé l’organisation de cette conférence en 2010. Il avait saisi cette opportunité pour déclarer qu’il avait proposé à la RDC, et à ses voisins proches, à savoir le Rwanda, le Burundi, l’Ouganda, la Tanzanie et le Kenya, la création d’une « Agence régionale pour le développement et l’aménagement ». A son avis, cette démarche contribuerait au « bon voisinage » dans la région et donnerait un « nouvel élan » à leur coopération autour des projets communs. Sûr que la création de cette agence sera à l’ordre du jour tant à Nice, au mois de mai, qu’en juin lors de cette conférence des bailleurs de fonds de Grands Lacs. Au bout du tunnel, ce sera bien sûr la mise sur pied d’un « Marché commun ».
Abondant dans le même sens, l’ambassadeur de France à Kinshasa, Pierre Jacquemot, avait rappelé que la « coopération régionale est un facteur de paix ». Et que la balkanisation de la RDC n’a jamais été à l’ordre du jour en France.
CIRGL marginalisée?
L’abondance des biens ne nuit pas, dit-on. Mais l’abondance des initiatives de paix peut nuire à la paix. Car l’impression qui se dégage de plus en plus, c’est qu’on se bouscule un peu trop dans la région des Grands Lacs.
En effet, l’une des importantes initiatives saluées par tout le monde et qui a bénéficié du soutien de la Communauté internationale demeure justement l’institutionnalisation de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, CIRGL. Elle n’a pas permis seulement aux Etats membres de signer le Pacte de sécurité, de stabilité et de développement de la région des Grands Lacs, mais de disposer de 10 programmes prioritaires d’actions pour la reconstruction des pays de la région. Un fonds spécial de reconstruction a même été constitué et a reçu la contribution de certains Etats membres ; notamment la République démocratique du Congo.
Bien plus, la relance de la CEPGL est également une réalité grâce aux efforts fournis dans le cadre de la CIRGL. Un groupe d’Amis des Grands Lacs se charge même de contacter des bailleurs de fonds pour la mise en œuvre des « projets intégrateurs ».
La mise en place de cette « Agence régionale de développement et d’aménagement » viendra-t-elle en appui aux projets de développement de la CIRGL ? Les bailleurs de fonds des Grands Lacs sont-ils les mêmes qui font partie du « Groupe des Amis des Grands Lacs » ? Apparemment, la réponse est négative. Cela d’autant plus vrai qu’à en croire le journal Les Echos, Elysée aurait intéressé les Américains à cette proposition et que ceux-ci « lui ont fait part de leur soutien ».
Dans l’intérêt de l’Afrique des Grands Lacs, il serait utile que toutes ces initiatives soient coordonnées et ne visent qu’un seul objectif. Question d’éviter le « télescopage » au risque de décourager certains bailleurs de fonds, voire de cette « agence de développement », au-delà ce « Marché commun », une utopie. Devant cette hypothèse, ce sont les pays de la région qui perdraient, alors que l’intégration économique est une option levée par l’Union africaine depuis l’OUA, avec le Plan d’Action de Lagos 1971, la CEPGL, la CEEAC et la CIRGL.
D’autre part, si la tendance consisterait à confier à quelques pays de la région le « leadership économique » au détriment de ceux producteurs des richesses, l’Afrique des Grands Lacs se trouverait dans la même situation que les pays du balkan. Pour des raisons économiques, les Européens sont divisés, car la Russie ne parle pas le même langage avec ses voisins européens, membres de l’OTAN qui compte également les Etats-Unis.
Or, dans les Grands Lacs, le coltan, la cassitérite, le nickel… opposent déjà l’Europe aux Etats-Unis ainsi qu’aux Asiatiques dans le Kivu.