Le discernement nécessaire sur le Rwanda.
Revenons sur les faits. Suite à l’attentat du 6 Avril, l’essentiel de la force de l’ONU (MINUAR) s’étant retirée, près de 800000 personnes en majorité des tutsis sont massacrées par les hutus sans que la communauté internationale intervienne. Fin Juin, la France est mandatée par l’ONU pour l’envoi d’une force plurinationale neutre d’interposition : c’est l’opération Turquoise . L’action de la France est naturellement suivie sur le terrain, souvent avec suspicion, par de très nombreux observateurs français et étrangers (médias, ONG etc.…). Il est trop tard pour empêcher le génocide, mais Turquoise permet d’y mettre fin en sauvant plusieurs dizaines de milliers de vies. Elle fixe sur le territoire une grande partie de la population fuyant vers le Zaïre, face à l’avancée de l’armée du FPR (tutsis de l’extérieur), commandée par le Général Kagamé, qui met en déroute celle du régime en place. Malgré plusieurs appels à la trêve, celui-ci poursuit son offensive, provoquant la fuite des populations qui engendre une grave épidémie de choléra. Le bilan de Turquoise est à l’époque largement salué à l’ONU et dans les médias du monde entier.
Mais voici que 10 ans après ces évènements, des plaintes, étonnamment tardives, sont déposées contre l’action de soldats français au Rwanda qui se seraient rendus « complices du génocide ». Parallèlement des campagnes de presse développent le thème selon lequel Turquoise n’aurait servi qu’à couvrir la fuite des génocidaires.
Naturellement, si des fautes avaient été commises, il reviendrait à la Justice de les sanctionner. Mais j’affirme qu’il n’y a eu aucune ambiguïté dans les instructions données et dans la façon dont elles ont été exécutées. Dire que l’Armée Française a agi en complice du génocide est faux et diffamatoire. C’est pourquoi j’ai créé l’Association France-Turquoise. Son objet est de défendre les militaires injustement attaqués et de contribuer à l’établissement de la vérité sur ce drame .
Car dès 1994 je me suis posé des questions sur la stratégie du Général Kagamé :- intervention inexplicablement tardive de son armée pour secourir les Tutsis de l’intérieur – refus de tout cessez-le-feu malgré les demandes répétées de l’ONU, de l’armée vaincue et du commandant de Turquoise – volonté d’expulser la population au Zaïre en favorisant ainsi la fuite des génocidaires… Face à l’impossibilité de prendre le pouvoir par la voie démocratique initiée par les accords d’Arusha, la solution n’était-elle pas une conquête militaire par la force, au prix de massacres prévisibles enclenchant le processus incontrôlable ? Ce point central est au cœur du sujet. Car, comme le notait Carla del Ponte, ancien Procureur du Tribunal Pénal International pour le Rwanda : s’il s’avérait que « c’est le FPR qui a abattu l’avion, il faudrait réécrire l’histoire du génocide ». Ce qui ne consiste nullement à nier celui-ci.
Devant la menace d’une instruction judiciaire, le régime de Kigali a préventivement contre attaqué : outre les violentes critiques et les plaintes mentionnées, en créant une commission d’enquête interne destinée à montrer l’implication de la France dans le génocide, dont la mission et les conclusions sont ainsi fixées à l’avance.
Jouant sur l’émotion que suscitent de telles horreurs et s’appuyant efficacement sur des relais d’opinion très bien organisés, M. Kagamé fera tout pour attiser la culpabilité de l’opinion et accuser la France. Je constate que ce sont les mêmes qui condamnent l’inaction de la communauté internationale et fustigent celle de la France, qui a eu seule le courage d’intervenir. Les mêmes qui déplorent l’inaction de la Justice internationale, mais récusent l’action de la Justice française, parce qu’elle n’a pas conclu dans le sens souhaité par ceux qui voulaient l’empêcher d’enquêter.
Oui, les responsabilités engagées dans cet attentat, générateur des violences qui ont mené au génocide, doivent être portées devant la Justice Internationale. Mais il faut s’attendre à de nouvelles instrumentalisations de la Justice et de la population rwandaise. Devant de nouvelles accusations contre les soldats de Turquoise, qui ne sauraient tarder, il faudra alors aux médias et aux citoyens français faire preuve de beaucoup de sens critique et de discernement.
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