Carla Del Ponte
Le passage suivant se déroule en juin 2002, Carla Del Ponte sort d’un entretien avec Paul Kagamé (Président actuel du Rwanda et ancien chef du Front Patriotique Rwandais, guérilla tutsi), celui-ci vient de lui affirmer avec véhémence que la justice internationale n’avait pas à s’occuper des affaires et présumés crimes du FPR. Choquée de cette obstruction à la justice, elle livre au lecteur sa déception et ses craintes quant au devenir du TPIR qui, à son sens, s’installe dans une impunité dirigée.
« En quittant Kigali, j’avais la désagréable impression que le cycle de l’impunité au Rwanda […] n’était pas près de s’arrêter. Quant au Tribunal pour le Rwanda, il semblait bien parti pour administrer une fois de plus la justice des vainqueurs et rien d’autre. Je craignais que le Conseil de sécurité des Nations unies ne prenne aucune mesure déterminante pour réagir au refus de Kagamé de coopérer avec le Tribunal et à la campagne visant à contrecarrer les travaux du Tribunal. Seul l’enquête de Bruguière, pensais-je, pouvait encore jouer un rôle significatif pour briser le cercle vicieux de l’impunité » p 374-375.
Le rapport qu’elle rédigea restera sans réponse.
En mai 2003 Elle est convoquée à Washington par l’ambassadeur extraordinaire des Etats-Unis pour les crimes de guerre, Pierre Prosper :
« Prosper laissa la parole aux Rwandais. Ils souhaitaient que les enquêtes sur les crimes attribués au Front Patriotique rwandais soient confiées à leurs autorités judiciaires locales, des juridictions dominées par les tutsi, et non au Tribunal International. De la part des Rwandais cette demande e me surprit d’autant moins que je l’avais déjà entendue à maintes reprises. Ce fut en revanche Prosper qui me surprit, en prenant le parti des Rwandais. Il me proposa de transférer les enquêtes et les poursuites des crimes présumés du FPR […] au gouvernement rwandais d’obédience tutsi, celui là même qui, selon Human Right Watch, ne laissait aux victimes des crimes du FPR « pratiquement aucune chance d’obtenir justice auprès du tribunal rwandais » ».
Plus loin Carle Del Ponte raconte qu’à la suite de son refus, l’ambassadeur lui annonce que son mandat, qui s’achève quatre mois plus tard, ne sera pas renouvelé…
La Traque, les criminels de guerre et moi, Editions Héloïse d’Ormesson, Paris, 2009.
CF.
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