Rétablissement des relations France-Rwanda : à quel prix ?
En effet, si les déclarations officielles accompagnant cette décision importante vantent les mérites du régime actuel de Kigali, elles font le silence sur les graves mises en cause de l’action des militaires français ayant servi au Rwanda, notamment de ceux qui ont participé à l’Opération Turquoise menée en 1994 pour le compte des Nations Unies. Ces mises en cause sont récurrentes : plaintes déposées en 2005 devant le Tribunal aux Armées de Paris par des Rwandais pour « complicité de génocide » ; déclarations du Président Rwandais affirmant que les militaires de Turquoise étaient « venus pour tuer les Tutsis » ; accusations portées par le Gouvernement de Kigali en Août 2008 contre des officiers français « d’avoir pleinement pris en charge le projet génocidaire ». Dix officiers ont porté plainte à la suite de ces dernières accusations.
Alors même que de nombreux militaires ont été longuement entendus par la Brigade criminelle en qualité de témoins, aucune suite procédurale n’a été donnée aux plaintes de 2005 qui semblent être toujours en cours d’instruction. Plus de quatre ans après, les militaires concernés s’interrogent sur les délais de cette procédure dont ils demandent l’aboutissement. Mais la presse, française et internationale, rappelle régulièrement l’existence de ces plaintes, relayant ainsi publiquement ces soi-disant charges de « complicité de génocide » qui pèsent toujours contre l’armée française. Or chacun sait qu’il est plus facile de salir une personne et une institution par des accusations infondées que de rétablir la vérité plusieurs années après.
Le silence officiel concernant l’ensemble des accusations portées contre l’Armée Française depuis plusieurs années peut laisser penser que celles-ci sont fondées. Validées implicitement, elles resteraient ainsi dans l’Histoire. Si ces accusations sont infondées, elles doivent être dénoncées.
Il est normal d’exiger beaucoup des militaires, mais ils ne peuvent être les victimes désignées et muettes de jeux diplomatiques, voire d’une réal politik. Il revient alors aux hommes politiques de prendre leurs responsabilités, y compris pour assumer le passé.
A l’heure où la France dépêche ses soldats pour servir sur des théâtres d’opérations étrangers, les militaires français qui l’ont servie et sont injustement mis en cause attendent des plus hautes Autorités de l’Etat qu’elles se prononcent sur ce grave sujet.
La raison d’Etat ne saurait justifier que l’honneur de ces militaires reste bafoué et la vérité historique travestie.
Général (2S) Jean Claude Lafourcade
Commandant l’opération Turquoise en 1994.