Visite de Paul Kagame : la France brade l’honneur de ses soldats et couvre un tissu de mensonges.

La communauté internationale et les responsables politiques de l’époque l’ont pourtant affirmé clairement : l’opération Turquoise s’est exactement déroulée, sous les yeux de nombreux observateurs, dans les conditions prévues par la résolution 929 des Nations Unies en respectant strictement les directives du gouvernement français. Elle a permis de sauver plusieurs dizaines de milliers de vies et d’arrêter l’exode massif au Zaïre des populations fuyant devant l’avance des troupes du FPR du général Kagame. Cette intervention est à l’honneur de la France et la mission d’information parlementaire présidée par Paul Quilès en 1998 a d’ailleurs rejeté toute implication de notre pays et de son armée dans le génocide.
Or les accusations contre l’armée française perdurent. Des plaintes ont été déposées par des Rwandais  au Tribunal aux armées de Paris, en 2005 puis en 2010, accusant les soldats français de « crimes contre l’humanité et de complicité de génocide ». Le 7 avril 2007, le Président Kagame déclarait publiquement que les soldats de Turquoise « étaient venus au Rwanda pour tuer les Tutsis ». En août 2008 le gouvernement rwandais, dans un communiqué officiel, accusait la France et l’armée française « d’avoir participé à l’exécution du génocide » en publiant une liste d’officiers mis en cause. En l’absence de réactions du gouvernement français, ces officiers ont porté plainte contre le ministre rwandais signataire du communiqué. Nous déplorons que, malgré nos multiples demandes,  les procédures en cours ne soient toujours pas instruites à ce jour,  car nous attendons que la vérité apparaisse au grand jour.
Ces accusations ont été qualifiées de « tissu de mensonges » par monsieur Alain Juppé et les « témoignages » sur lesquels elles s’appuient sont instrumentalisés. Elles proviennent d’un régime dont la nature plus qu’autoritaire est de plus en plus soulignée par la communauté internationale. Les Nations Unies, dans un Rapport publié le 5 Octobre 2010, accusent le régime rwandais d’avoir massacré des centaines de milliers de personnes  dans la décennie 1990.Plusieurs pays et de nombreuses organisations gouvernementales ou non gouvernementales, dénoncent aujourd’hui les graves atteintes aux droits de l’homme dans ce pays. Ils soulignent  la répression politique, les restrictions aux libertés individuelles et à la liberté de la presse. Plusieurs pays occidentaux, prenant acte de ces dérives, ont décidé, au cours de ces derniers mois, de prendre leurs distances avec ce régime et les chefs d’Etat espagnol, belge et britannique ont refusé de recevoir le président Kagame. Dans le contexte actuel, l’attitude complaisante de la France à l’égard d’un tel régime ne pourra qu’être très mal comprise.
La normalisation des relations avec le Rwanda est peut-être souhaitable, mais pas à n’importe quel prix. Elle ne peut sûrement pas justifier que la France ferme les yeux sur la réalité du régime rwandais, ni que le président de la République, chef des armées, couvre de son silence les calomnies proférées contre les soldats de l’opération Turquoise. Forte du soutien de plusieurs grandes associations patriotiques, l’association France-Turquoise ne peut accepter, en l’absence de démenti ou de dénonciation formelle des très graves accusations portées, que l’honneur des soldats ayant servi la France au Rwanda soit bafoué par la visite de M. Kagame.

Général (2S) Jean-Claude Lafourcade, président de l’association France Turquoise.

 

 

leotard[1].jpg » François Léotard, Ministre de la Défense en 1994, tient à préciser qu’il partage sans réserve les termes de ce mémorandum et approuve entièrement notre indignation face a la visite de Paul Kagamé qu’il juge inacceptable dans les conditions actuelles.

Il assure l’association France Turquoise de son total soutien et est prêt a se joindre a toute action contribuant à rétablir l’honneur bafoue des soldats français ayant servi au Rwanda. »

Général (2S) Jean Claude Lafourcade, président de l’association France-Turquoise.

Visite de Kagame en France : faut-il boire le calice jusqu’à la lie?

Dans mes trois livres et dans mes articles, j’ai toujours cherché à dénoncer cette accumulation de mensonges qui, malheureusement, a reçu un très bon accueil en France et ailleurs, dans certains milieux. À force d’être répétés à longueur d’articles, d’interviews ou de livres, les mensonges, même les plus éhontés, finissent par devenir des « vérités historiques ». Tous ceux qui oseraient les contester sont immanquablement trainés dans la boue, voués à l’opprobre, accusés d’être des « négationnistes », voire même des « génocidaires ».

Dans mes écrits, j’ai toujours rappelé que la guerre du Rwanda fut déclenchée par un groupe armé majoritairement tutsi issu de l’armée du pays voisin, l’Ouganda. C’est ce groupe qui, le 1er octobre 1990, attaqua le Rwanda, provoquant ainsi une guerre qui devait durer près de quatre années, avant de se propager au Zaïre voisin, où elle continue à faire des victimes encore aujourd’hui. J’ai également toujours souligné que c’est ce groupe, dont Paul Kagame prit la tête (après l’élimination physique de ses premiers dirigeants), qui commit les premières atrocités de cette guerre qui en compta tant. Des massacres de masse ont été commis par les deux camps. Mais certains furent plus « médiatisés » que d’autres, du fait de la présence de journalistes dans la zone contrôlée par le gouvernement du Rwanda, et de leur absence totale dans la zone occupée par le FPR, le groupe armé dirigé par Paul Kagame.

Certes, les massacres de civils devaient atteindre leur paroxysme durant les épouvantables « cent jours » qui suivirent l’assassinat du président de la République Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994. Lequel assassinat fut perpétré par le FPR, sur l’ordre de Kagame qui fit de nombreuses tentatives pour en faire endosser la responsabilité aux « extrémistes hutu ». Ce mensonge historique revêt une importance capitale. C’est Paul Kagame qui fit abattre l’avion présidentiel causant la mort du président (et de celles de son collègue burundais, de hauts responsables rwandais et de l’équipage français) et qui porte ainsi la lourde responsabilité de la reprise des hostilités et de l’engrenage diabolique qui porta la haine et la fureur à leur comble, provoquant des massacres d’innocents à Kigali puis dans l’ensemble du pays.

Alors que le régime Habyarimana était décapité par la mort brutale de son chef et de celle de ses principaux lieutenants, le pays plongeait dans une horreur sans précédent. Le FPR, après avoir rompu le cessez-le-feu garanti par les accords d’Arusha, lança une offensive générale, planifiée de longue date. Cela lui permit de prendre rapidement le contrôle de la plus grande partie du territoire. Alors que dans les zones encore contrôlées par les forces gouvernementales, des milices hutu massacraient des civils tutsi et des Hutus suspectés de tiédeur, le FPR, loin des caméras des médias internationaux, commettait également des massacres à grande échelle dans les territoires qu’il « libérait ».

Si les horreurs commises par les vaincus furent largement documentées, celles commises par les vainqueurs furent délibérément cachées, parfois même mises sur le compte des vaincus. Dès l’installation du nouveau régime, en juillet 1994, on s’efforça de réécrire l’Histoire. On présenta le FPR comme un groupe de gens ayant pris les armes afin de mettre un terme au génocide en cours. La sinistre réalité est que c’est ce groupe de gens qui a déclenché cette guerre conduisant au génocide. Le FPR – et en premier lieu son chef Paul Kagame – porte donc la responsabilité morale du génocide, et il partage avec les massacreurs des deux camps celle de l’avoir perpétré. Si les épouvantables massacres commis au Rwanda par les milices hutu prirent fin avec la défaite de ces derniers, ceux commis par les troupes du FPR se poursuivirent durant les mois et les années qui suivirent la fin officielle de la guerre (juillet 1994).

À la fin de septembre 1996, ils s’étendirent au Zaïre voisin, avec l’invasion de ce pays par les troupes de Paul Kagame. Là, des centaines de milliers de réfugiés hutu furent massacrés. Certain survivants n’eurent d’autre choix que de rentrer au Rwanda, où ils eurent à subir les représailles du nouveau régime, alors que d’autres furent impitoyablement traqués et abattus lors d’un exode sans fin à travers la grande forêt zaïroise. Les civils zaïrois furent eux aussi victimes de ce conflit qui n’était pas le leur. L’armée de Kagame suscita la création de groupes armés zaïrois à leur solde, qui servirent de supplétifs et participèrent aux massacres. Cette guerre d’invasion, camouflée sous le digne nom de « guerre de libération » de ce que l’on devait rebaptiser la « République Démocratique du Congo » permit à Kagame, avec la complicité de son allié ougandais, de chasser le dictateur Mobutu de Kinshasa et de le remplacer par l’homme de leur choix, Laurent-Désiré Kabila. En 1998, ce dernier se montra trop indocile au goût de ses parrains rwandais et ougandais et une nouvelle guerre fut lancée, visant son élimination. Cette guerre ne prit officiellement fin qu’en 2002 ; elle servit de prétexte à l’accomplissement de nouveaux massacres à grande échelle. Depuis ces massacres se perpétuent car de nombreux groupes armés continuent à opérer dans l’est de la RD Congo. La population de cette région martyre n’en a malheureusement pas fini avec les exodes à répétition, la famine, les tueries et les viols de masse. Quatre ou cinq millions de Congolais seraient morts depuis le début de ce conflit déclenché par Paul Kagame, victimes des conséquences directes ou indirectes de cette interminable guerre, la plus meurtrière depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

Durant toute la durée de la tragédie congolaise, les forces d’occupation rwandaise et ougandaise et leurs collaborateurs locaux se sont livrés au pillage massif des immenses ressources naturelles du Congo/Zaïre, un pays potentiellement très riche : bois précieux, or, cassitérite, coltan, diamants et autres. C’est ce pillage à grande échelle qui a permis à Kagame de soutenir l’effort de guerre du petit Rwanda, tout en développant ce dernier, provoquant l’admiration sans bornes de ses alliés anglo-saxons.

Depuis son arrivée au pouvoir, Kagame a entrepris d’éliminer la langue française, qu’il ignore, du Rwanda, pays francophone devenu anglophone par la force, et même membre du Commonwealth, alors qu’il n’a aucune histoire commune avec le Royaume-Uni. Lorsqu’il devint ministre des affaires étrangères français, en 2007, Bernard Kouchner, grand admirateur et propagandiste de Paul Kagame, mit tout en œuvre pour renouer des relations entre la France et le Rwanda. Il y est parvenu sans grandes difficultés, le président Sarkozy s’étant aisément laissé convaincre, heureux de pouvoir se démarquer de la politique de son prédécesseur Jacques Chirac. Le chef de l’Etat français effectua même une visite éclair à Kigali en 2010, durant laquelle il ne fut pas le moins du monde gêné d’être photographié en compagnie d’officiers rwandais faisant l’objet de mandats d’arrêt internationaux émis par le magistrat français Jean-Paul Bruguière ! Simple ignorance des dossiers mêlée à une méconnaissance de l’histoire récente des relations entre les deux pays, ou réelle volonté de boire le calice de l’humiliation nationale jusqu’à la lie, pour le simple plaisir de régler des comptes politiciens ?

Le départ de Kouchner et son remplacement par Alain Juppé, qui occupait les mêmes fonctions à l’époque du génocide rwandais, fit naître, parmi ceux qui connaissaient la vérité, l’espoir de voir le terme des compromissions avec le dictateur de Kigali. Cet espoir fut de courte durée, puisque, comme indiqué au tout début de cet article, le général Paul Kagame va effectuer une visite officielle en France, ce pays qu’il exècre tant et qu’il n’a eu de cesse de vilipender, de combattre et de couvrir d’opprobre international depuis deux décennies.

Inutile de revenir sur les accusations sans fondement lancées contre l’armée française : sous un régime de terreur, il est très facile de « convaincre » des citoyens d’apprendre par cœur des récits inventés de toute pièce, et encore plus aisé d’amener des prisonniers à corroborer de tels « témoignages ». Le président Sarkozy aura alors l’honneur de dire un grand « welcome » au plus grand criminel de guerre actuellement au pouvoir dans le monde. Ce 12 septembre 2011, j’espère bien me trouver loin, très loin, de la France !

Hervé Cheuzeville,22 juillet 2011

(auteur de trois livres: « Kadogo, Enfants des guerres d’Afrique centrale », l’Harmattan, 2003; « Chroniques africaines de guerres et d’espérance », Editions Persée, 2006; « Chroniques d’un ailleurs pas si lointain – Réflexions d’un humanitaire engagé », Editions Persée, 2010)

provenance photo et article cliquez ci-dessous

http://www.echosdafrique.com/20110723-visite-de-kagame-en-france-faut-il-boire-le-calice-jusqu%e2%80%99a-la-lie

Relations France Rwanda. Point de vue de monsieur Alain Juppé

Audition de monsieur Alain Juppé, ministre d’Etat, ministre des affaires étrangères et européennes, devant la commission des affaires étrangères de l’assemblée nationale le 4 mai 2011.
Question de monsieur Jacques Remiller : (…) lors de votre nomination, monsieur le ministre d’Etat, le président du Rwanda a déclaré que vous ne seriez pas le bienvenue dans son pays. Au-delà de la réaction –très sèche- du Quai d’Orsay, quel est votre sentiment personnel ?

Réponse de monsieur Alain Juppé.

(…) Quant au Rwanda, je distinguerai mon sentiment personnel, que je garde pour moi, et l’intérêt de la France. J’espère seulement qu’un jour la vérité historique sera faite sur ce qui s’est passé au Rwanda à partir de 1993. Un rapport du Conseil de sécurité, qui n’a pas fait l’objet d’une grande publicité jusqu’à présent, pointe les crimes commis en République démocratique du Congo. Sur un plan diplomatique, nous avons intérêt à avoir de bonnes relations avec le Rwanda et le processus amorcé par le Président de la République doit être poursuivi dans des conditions convenables. M. Kagamé a dit que je ne serais pas le bienvenu au Rwanda, et je lui ai répondu que je n’avais pas l’intention d’y aller tant que circulerait le rapport qui met en cause M. Mitterrand, M. Balladur, M. Védrine, M. de Villepin, M. Léotard, moi-même et l’armée française. Ce tissu d’inventions et de mensonges est destiné à créer un contre-feu à l’instruction judiciaire menée en France. Comme je l’ai dit devant la commission de l’Assemblée nationale présidée par M. Quilès, l’opération Turquoise est à l’honneur des militaires français qui ont sauvé des centaines de milliers de vies.

Pourquoi la France ne peut pas recevoir Paul Kagame

Il convient de rappeler qu’un rapport officiel des Nations Unies publié le 1er Octobre 2010 a
établi que l’armée du Front Patriotique Rwandais commandée par le Général Paul Kagame a
commis des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des actes de génocide contre
les réfugiés hutu et les populations congolaises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire
de la République démocratique du Congo.
Compte tenu du contexte politique de la région des grands lacs, certains observateurs
considèrent cette mission comme une tentative de sauvetage d’un dictateur en fin de course.
Les parents des victimes rwandaises et congolaises se demandent légitimement si cette
collaboration du Medef avec un chef d’état responsable de telles atrocités répond aux
orientations de la diplomatie française.
Le patronat français a-t-il pris toute la mesure des conséquences que ses « contrats » vont
avoir sur le sort des populations rwandaises et congolaises ? La France – hier encore accusée
par le dictateur rwandais de complicité de génocide – a-t-elle intérêt à se jeter dans les bras
d’un criminel dont le régime peut basculer à tout moment ? Autant la France a pu
commettre des erreurs d’appréciation en 1994 – reste à préciser lesquelles -, comme l’a du
reste reconnu le président Sarkozy lors de sa visite au Rwanda, autant une trop grande
proximité avec le régime rwandais actuel accusé de crimes contre l’humanité risque de
ternir irrémédiablement l’honneur de la France. Les intérêts économiques en présence
justifient-ils que la France s’implique une nouvelle fois dans ce bourbier à relents
génocidaires, en donnant l’impression de voler au secours d’un criminel africain en fin de
course, aux dépens des droits de l’homme et des peuples de la région des grands lacs ?
S’agissant d’une visite éventuelle de Paul Kagame en France, annoncée le 06/01/2011 par
l’hebdomadaire Jeune Afrique dont on connait les accointances avec le régime de Kigali, elle
apparait pour le moins inopportune pour les raisons suivantes : la France, membre du
Conseil de Sécurité, a des droits mais aussi et surtout des devoirs spécifiques liés à cette
qualité. Elle a notamment l’obligation de contribuer à garantir la paix et le respect de la
légalité internationale, en mettant tout en oeuvre afin que les préconisations et les décisions
des organes ou des institutions des Nations Unies soient traduites dans les actes. Il en va
ainsi notamment en matière de respect du droit à la vie, pierre angulaire du droit
international humanitaire.
Or comme on vient de le voir, l’une des recommandations expresses du rapport des Nations
Unies ci-haut rappelé concerne la mise en place urgente d’un tribunal international ad hoc
chargé de poursuivre et de juger les auteurs des atrocités dénoncées dans ce rapport. Déjà
pointé du doigt par les justices française et espagnole pour son rôle présumé dans l’attentat
terroriste contre l’avion du président Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994, attentat au cours
duquel trois ressortissants français ont perdu la vie et qui fut l’élément déclencheur du
génocide, le général Paul Kagame a aussi été le donneur d’ordre et l’organisateur de
nombreux crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Rwanda et en République
Démocratique du Congo. Il apparaît par conséquent plus que probable qu’il soit placé sous le
coup d’un mandat d’arrêt international dès la mise en place du tribunal international ad hoc
attendu. La diplomatie française ne peut pas feindre de l’ignorer.
Dans ce cas, au nom de quelle éthique diplomatique ou pour quels intérêts nationaux la Patrie
des droits de l’homme prendrait-elle le risque, sans être accusé de complicité, de dérouler le
tapis rouge à un dictateur responsable d’avoir planifié, préparé, organisé, ordonné et supervisé
le massacre de plus de 300000 réfugiés hutu et de 5 millions de Congolais innocents ? Un
membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies peut-il se permettre de recevoir
un criminel contre l’humanité désigné comme tel par les Nations Unies sans insulter les
peuples victimes de ces crimes et sans renier son rôle au sein de la communauté internationale?

La seule décision de sagesse à prendre par la diplomatie française est celle qui correspond
aux valeurs de la République et à ses engagements internationaux. La France doit écouter les
peuples de la région des grands lacs et non les tyrans par qui le génocide est arrivé. En
s’inspirant de l’expérience tunisienne et égyptienne, le principe de précaution diplomatique et
politique devrait s’appliquer au cas rwandais sans état d’âme. La France ne peut pas recevoir
un chef d’état étranger accusé de génocide. Tomber dans le piège d’une normalisation à tout
prix mais dont les enjeux paraissent pour le moins éphémères serait une erreur
d’appréciation de plus, une faute grave dont la diplomatie française ne se relèverait pas.

Jean-Marie NDAGIJIMANA
Ancien Ambassadeur
Ancien Ministre

Kagamé rejoint le club des infréquentables

 L’affront est difficile à avaler pour Paul Kagamé. Yves Leterme aurait, officiellement, annulé leur entretien pour mieux organiser son emploi du temps. Le soufflet est d’autant plus humiliant que le même agenda a permis de maintenir, le jour même et le lendemain, les rendez-vous avec trois officiels étrangers. L’agence Belga met en avant cette incongruité : « M. Leterme rencontrera en revanche bien lundi (le même jour) ses homologues zimbabwéen Morgan Tsvangirai et palestinien Salam Fayyad, ainsi que le président tanzanien Jakaya Mrisho Kikwete. Mardi soir, il s'entretiendra avec le chef de l'Etat béninois Thomas Boni Yayi. »

Cette mise au ban de Kagamé mérite d’être suivie avec une attention particulière, le régime de Kigali étant de plus en plis mis en cause. En 2010, le gouvernement rwandais a été critiqué pour l’organisation des élections présidentielles, des membres ou proches de celui-ci ont été menacés par des mandats d’arrêt internationaux et enfin, de nombreux manquements aux principes de base qui constituent une démocratie ont été observés. En octobre dernier, un rapport de l’ONU, le rapport Mapping, accusait directement le Rwanda d’avoir participé à des massacres de masse en Republique Démocratique du Congo. C’est sans aucun doute la somme de ces événements qui amène les responsables diplomatiques à se méfier du Général Kagamé. Il est certain qu’il ne fait plus bon être pris en photo lui serrant la main !Mis à part quelques observateurs engagés qui de façon plus ou moins honnête tentent de nier cette impopularité internationale, personne n’est dupe. Si cette tendance se confirme en 2011, il sera intéressant de regarder  comment notre gouvernement accueillerait-t-il un chef de l’Etat que nos voisins ont clairement jugé infréquentable ?

C.F

Réaction de Paul Kagamé aux critiques liées à sa réélection

Paul Kagamé, investi au Rwanda, rejette les critiques étrangères

06/09/2010

KIGALI (Reuters) – Le président rwandais Paul Kagamé, qui prêtait serment pour un second mandat de sept ans, a rejeté lundi des accusations le mettant en cause sur le plan des droits de l'homme et a juré de ne pas laisser orienter son pays par les détracteurs occidentaux de son régime.

Le chef de l'Etat sortant a remporté l'élection présidentielle du mois dernier avec 93% des voix, après une campagne durant laquelle l'opposition et les défenseurs des droits de l'homme ont dénoncé violence et répression.

Bien qu'on lui reconnaisse un effort de reconstruction et de retour à la paix, Paul Kagamé est accusé d'avoir stabilisé le Rwanda aux dépens de la liberté d'expression, notamment celle de la presse.

"Il nous est difficile de comprendre ceux qui veulent nous donner des leçons sur l'intégration, la tolérance et les droits de l'homme. Nous rejetons toutes leurs accusations", a affirmé le président rwandais après la cérémonie d'investiture.

Il a estimé que le plus gros problème de l'Afrique ne résidait pas dans un déficit démocratique mais dans la dépendance à l'égard des pays donateurs. Les gouvernements et les ONG occidentaux ne répondent devant aucune autorité de leurs tentatives d'empiètement politique sur les droits d'Etats souverains, a-t-il ajouté.

Kigali a réagi avec irritation à la diffusion d'un projet de rapport de l'Onu selon lequel l'armée rwandaise pourrait s'être rendue coupable de génocide dans la République démocratique du Congo (RDC) voisine durant les années 1990. Le Rwanda a menacé de retirer toutes ses troupes des opérations de maintien de la paix de l'Onu si le document n'était pas modifié.

Lors de son investiture, à laquelle assistaient une dizaine de dirigeants régionaux, Paul Kagamé a dit que des puissances étrangères continuaient de faire pression sur le Rwanda pour que sa politique soit définie selon des clivages ethniques, ce qu'il a dénoncé comme une survivance de l'époque coloniale.

"Cette méthode peut marcher ailleurs, mais dans notre cas la division et l'extrémisme politiques ont abouti à une dévastation complète de notre pays", a-t-il dit par allusion au génocide de 1994, dans lequel périrent plus de 800.000 Tutsis et Hutus modérés.

Kazio-Musoke David, Philippe Bas-Rabérin pour le service français, édité par Gilles Trequesser

Intérêts français selon Survie

France-Rwanda Les dessous d’un rapprochement

"À l’occasion du déplacement de Nicolas Sarkozy à Kigali le 25 février 2010, l’association Survie tient à décrypter ce qui constitue un profond revirement de la diplomatie française dans la région des Grands Lacs, et tient à alerter l’opinion sur le fait que ce revirement reste fort éloigné d’une véritable réforme de la politique de la France sur le continent."

Lundi 22 février 2010

"Par ce rapprochement avec le Rwanda, entamé il y a deux ans et consacré par cette visite, la diplomatie française vise trois objectifs :

– La réintégration de la France dans les nouveaux partenariats économiques et industriels de la région ;

– Le règlement définitif de l’accusation de complicité de génocide pesant sur elle et quelques-uns de ses hommes politiques et de ses militaires ;

– Enfin l’affirmation d’une « rupture » avec certains réseaux traditionnels de la Françafrique.

[…]

En effet, en 2009, malgré un volontarisme de façade de l’Elysée, les termes de la cooptation de la France sur des gouvernements profondément anti-démocratiques n’ont guère évolué (Cameroun, Congo-Brazzaville, Mauritanie, Madagascar, Gabon, Niger, etc.). Le rapprochement Paris-Kigali s’inscrit dans cette filiation, car il pèse sur Paul Kagamé de graves soupçons sur le rôle tenu par son pays dans les conflits du Kivu voisin depuis 1998, ainsi que sur les nombreuses entraves à la démocratie relevées sous son autorité au Rwanda.

Il apparaît donc que ce « dégel » entre les deux pays ne s’encombre d’aucune condition démocratique. En revanche, il vise une nouvelle fois à positionner la France et ses entreprises dans la compétition internationale qui se joue pour l’accès aux ressources naturelles de la région, au mépris de la justice pour les victimes du génocide et des autres crimes commis. De ce fait, Survie tient à prévenir des risques de la normalisation en cours, qui pourraient s’assimiler à une amnistie mutuelle pour des crimes imprescriptibles, hors de tout contrôle des peuples concernés et sans tenir compte de l’intérêt des populations de la sous-région."

Source Survie sur www.afrik.com

 

Balkanisation de la RDC

Sera-t-il question de la République démocratique du Congo (RDC) au cours de la rencontre entre Nicolas Sarkozy et Paul Kagame, le président du Rwanda ? Sans aucun doute. Le "plan Sarkozy", dénoncé en RDC, prévoyait un partage des richesses minières, dont regorge l’immense congo avec le "petit" Rwanda. Nicolas Sarkozy souhaitait ni plus ni moins mettre en place un "marché commun" pour favoriser les échanges économiques. Il n’en fallait pas plus pour les congolais d’y voir une "OPA" rawandaise sur le riche Kivu.

En visite officielle à Kinshasa, Nicolas Sarkozy s’était défendu de disposer d’un "plan" . Selon lui, ses propos ont été "mal interprétés", et il avait réaffirmé son attachement à "l’intangibilité des frontières" de la République démocratique du Congo (RDC). "La première vérité, c’est que la souveraineté du Congo est inaliénable et la France sera toujours à vos côtés pour le respect de cette souveraineté", avait déclaré le président français à Kinshasa.

    Pour rassurer tout le monde, l’ambassadeur de France en RDC, avait martelé que la "coopération régionale est un facteur de paix" et que "la balkanisation de la RDC n’a jamais été à l’ordre du jour en France". Quel discours tiendra Nicolas Sarkozy à Paul Kagame ?

Christophe Rigaud

www.afrikarabia.com 25/02/2010

Analyse du quotidien Le Potentiel de Kinshasa

Mais auparavant, au mois de mai, lors du prochain sommet qui aura lieu à Nice, sur la Côte d’Azur, les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats de l’Afrique des Grands Lacs débattront de cette question avec le président Nicolas Sarkozy. Les directives qui y seront arrêtées, seront certainement transmises aux ministres des pays concernés qui se retrouveront au mois de juin avec les bailleurs de fonds.
Selon le Journal Les Echos, la France souhaite l’éclosion des « projets communs » entre ces pays en matière économique, notamment dans l’Energie, le développement agricole ou l’exploitation forestière. Selon la même source, « l’idée, c’est que si on veut aider à surmonter les clivages politiques, les conflits dans cette région, il faut favoriser la coopération et l’intégration régionale ».
On ne doute pas que pendant son séjour de trois heures à Kigali, le président français s’entretiendra de la tenue de cette conférence avec son homologue rwandais, le président Paul Kagame.

Marché Commun

Cependant, ce n’est pas la première fois que le président Sarkozy évoque l’organisation de cette conférence. En janvier 2009, lors de la présentation des voeux au corps diplomatique, le président français s’était attardé sur les perspectives de paix dans la région des Grands Lacs. Aussi, appelait-il à une « nouvelle approche de paix » dans l’Afrique des Grands Lacs. Il avait suggéré le « partage en commun de l’espace et les abondantes richesses minières dont regorge la République démocratique du Congo, un pays immense à la gouvernance étrange avec le « petit » Rwanda ». Il souhaitait la mise en place d’un « Marché commun » pour favoriser les échanges économiques.
C’était le « Plan Sarkozy » dénoncé par des Congolais pour autant qu’ils y voyaient une tentative de balkanisation de la RDC. En visite officielle à Kinshasa, après avoir accordé une interview à la presse congolaise, le président français s’était défendu de disposer d’un plan, que ses propos ont été mal interprétés, mais avait réaffirmé son attachement à « l’intangibilité des frontières » de la RDC. « La première vérité, c’est que la souveraineté du Congo est inaliénable et la France sera toujours à vos côtés pour le respect de cette souveraineté », avait-t-il déclaré, à Kinshasa.
A cette occasion, le président Sarkozy avait annoncé l’organisation de cette conférence en 2010. Il avait saisi cette opportunité pour déclarer qu’il avait proposé à la RDC, et à ses voisins proches, à savoir le Rwanda, le Burundi, l’Ouganda, la Tanzanie et le Kenya, la création d’une « Agence régionale pour le développement et l’aménagement ». A son avis, cette démarche contribuerait au « bon voisinage » dans la région et donnerait un « nouvel élan » à leur coopération autour des projets communs. Sûr que la création de cette agence sera à l’ordre du jour tant à Nice, au mois de mai, qu’en juin lors de cette conférence des bailleurs de fonds de Grands Lacs. Au bout du tunnel, ce sera bien sûr la mise sur pied d’un « Marché commun ».
Abondant dans le même sens, l’ambassadeur de France à Kinshasa, Pierre Jacquemot, avait rappelé que la « coopération régionale est un facteur de paix ». Et que la balkanisation de la RDC n’a jamais été à l’ordre du jour en France.

CIRGL marginalisée?

L’abondance des biens ne nuit pas, dit-on. Mais l’abondance des initiatives de paix peut nuire à la paix. Car l’impression qui se dégage de plus en plus, c’est qu’on se bouscule un peu trop dans la région des Grands Lacs.
En effet, l’une des importantes initiatives saluées par tout le monde et qui a bénéficié du soutien de la Communauté internationale demeure justement l’institutionnalisation de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, CIRGL. Elle n’a pas permis seulement aux Etats membres de signer le Pacte de sécurité, de stabilité et de développement de la région des Grands Lacs, mais de disposer de 10 programmes prioritaires d’actions pour la reconstruction des pays de la région. Un fonds spécial de reconstruction a même été constitué et a reçu la contribution de certains Etats membres ; notamment la République démocratique du Congo.
Bien plus, la relance de la CEPGL est également une réalité grâce aux efforts fournis dans le cadre de la CIRGL. Un groupe d’Amis des Grands Lacs se charge même de contacter des bailleurs de fonds pour la mise en œuvre des « projets intégrateurs ».
La mise en place de cette « Agence régionale de développement et d’aménagement » viendra-t-elle en appui aux projets de développement de la CIRGL ? Les bailleurs de fonds des Grands Lacs sont-ils les mêmes qui font partie du « Groupe des Amis des Grands Lacs » ? Apparemment, la réponse est négative. Cela d’autant plus vrai qu’à en croire le journal Les Echos, Elysée aurait intéressé les Américains à cette proposition et que ceux-ci « lui ont fait part de leur soutien ».
Dans l’intérêt de l’Afrique des Grands Lacs, il serait utile que toutes ces initiatives soient coordonnées et ne visent qu’un seul objectif. Question d’éviter le « télescopage » au risque de décourager certains bailleurs de fonds, voire de cette « agence de développement », au-delà ce « Marché commun », une utopie. Devant cette hypothèse, ce sont les pays de la région qui perdraient, alors que l’intégration économique est une option levée par l’Union africaine depuis l’OUA, avec le Plan d’Action de Lagos 1971, la CEPGL, la CEEAC et la CIRGL.
D’autre part, si la tendance consisterait à confier à quelques pays de la région le « leadership économique » au détriment de ceux producteurs des richesses, l’Afrique des Grands Lacs se trouverait dans la même situation que les pays du balkan. Pour des raisons économiques, les Européens sont divisés, car la Russie ne parle pas le même langage avec ses voisins européens, membres de l’OTAN qui compte également les Etats-Unis.
Or, dans les Grands Lacs, le coltan, la cassitérite, le nickel… opposent déjà l’Europe aux Etats-Unis ainsi qu’aux Asiatiques dans le Kivu.

Rétablissement des relations France-Rwanda: à quelles conditions ?

 

Rony Brauman, né à Jérusalem en 1950, est médecin, diplômé en épidémiologie et médecine tropicale. Il est engagé depuis 1977 dans le domaine de l’aide médicale internationale. Après avoir travaillé plusieurs années comme médecin sur le terrain, il est devenu président de Médecins sans frontières en 1982 et a occupé ce poste jusqu’en 1994. Il est actuellement directeur de recherches à la Fondation médecins sans frontières. Son expérience concerne principalement l’aide médicale humanitaire dans les situations de crise – conflits armés, famines, réfugiés – qui sont les principaux terrains d’action de Médecins sans frontières