« GÉNOCIDE ET PROPAGANDE
« GÉNOCIDE ET PROPAGANDE
L’instrumentalisation politique des massacres »
d’Edward S. Herman et David Paterson
Voici un petit livre (170 pages dont 35 de notes) d’une grande densité et d’une rigueur implacable écrit par un universitaire et un journaliste américains.
Les auteurs se situent clairement dans le courant d’idées de Noam Chomsky, ce contempteur intransigeant de l’impérialisme américain qui a d’ailleurs rédigé l’avant-propos de l’ouvrage et dont Edward S. Herman est un proche collaborateur.
Le propos de l’ouvrage est de démonter la mécanique qui permet de justifier les interventions militaires occidentales (et surtout américaines) en utilisant à tort et à travers le vocabulaire qui touche la sensibilité populaire : « massacre », « bain de sang », « génocide », de manière à agir au nom de la « responsabilité de protéger » que nous, Français, baptisons plutôt « devoir d’ingérence ».
Les auteurs distinguent, avec Noam Chomsky, les « massacres constructifs » qui servent les intérêts des Etats-Unis, les « massacres bénins » imputables aux alliés ou clients des Etats-Unis, les « massacres néfastes » dont sont responsables des pays qui sont dans la ligne de mire des Etats-Unis, massacres qui peuvent être « mythiques » lorsqu’ils sont virtuels, voire fabriqués.
La méthode consiste à confronter la sémantique des médias à propos d’un certain nombre de conflits récents (Irak, Ex-Yougoslavie, Kosovo, Rwanda, République démocratique du Congo, Darfour…) et la réalité du terrain, schématiquement de comparer le nombre de fois où les médias ont utilisé le terme « génocide » et le nombre de morts prouvés ou estimés.
Cette arithmétique un peu macabre donne des résultats parlants. Ainsi les auteurs ont recensé :
– pour le Rwanda, 800 000 morts pour 3199 utilisations du terme « génocide », soit un ratio de 1/250,
– pour la République démocratique du Congo, 5 400 000 morts pour 17 utilisations du terme « génocide », soit un ratio de 1/317 647 !
Cette simple comparaison donne à réfléchir.
Il n’et pas dans notre propos de nous engager en faveur ou contre les thèses des auteurs, mais par sa rigueur méthodologique, cet ouvrage mérite d’être lu avec attention, ne serait-ce que pour la partie consacrée au Rwanda et à la République démocratique du Congo qui illustre très bien ce que sont un massacre néfaste (le génocide des Tutsis) et des massacres bénins (les massacres perpétrés par le FPR et la déstabilisation du Congo).
Les auteurs présentent un résumé parfaitement clair de cette crise qui dure depuis vingt ans et démontent à partir d’une multitude de documents le jeu des acteurs, rejoignant largement les thèses de Pierre Péan dans « Carnages ».
Qu’on nous permette une petite citation :
« Des mensonges grossiers sont à présent totalement institutionnalisés sur le Rwanda et font désormais partie intégrante de l’idée (fausse) que les Occidentaux se font de cette période. En réalité, Paul Kagamé compte parmi les plus grands exterminateurs de notre époque. Et cependant, grâce à l’extraordinaire assemblage de mythes qui l’entoure, il jouit d’une immense popularité auprès de son parrain à Washington et son image de boucher est devenue celle d’un sauveur vénéré qui mérite un solide soutien de l’Occident. »
On ne saurait mieux dire.
Michel FRUCHARD
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