« GUERRE DU KIVU:LE RAPPORT FINAL DU GROUPE D’EXPERTS DE L’ONU »
Rapport final du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo conformément au paragraphe 4 de la résolution 2021 (2011) du Conseil de Sécurité (S/2012/843)
Résumé (voir l’intégral en pièces jointes).
L’est de la République démocratique du Congo demeure la proie de dizaines de groupes armés congolais et étrangers. L’instabilité s’est accentuée depuis la mutinerie d’anciens membres du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) et la création subséquente, cette année, du mouvement du 23 mars (M23). Les rebelles ont, en juillet 2012 et avec une aide considérable de l’étranger, étendu leur emprise sur le territoire de Rutshuru et ils ont récemment profité d’un cessez-le-feu informel pour consolider leurs alliances et pour faire mener par des supplétifs des opérations dans d’autres zones.
Le Gouvernement rwandais continue de violer l’embargo sur les armes; il fournit directement une aide militaire aux rebelles du M23, facilite le recrutement de combattants pour le compte du Mouvement, incite et facilite la désertion de soldats des forces armées congolaises, fournit au M23 des armes, des munitions et des renseignements, et le conseille sur le plan politique. La chaîne de commandement de facto dont fait partie le général Bosco Ntaganda a à sa tête le général James Kabarebe, Ministre rwandais de la défense. Après la publication de l’additif à son rapport intérimaire (S/2012/348/Add.1), le Groupe s’est entretenu avec le Gouvernement rwandais et a pris en considération sa réponse écrite, mais il juge qu’aucun élément fondamental des constatations qu’il a faites antérieurement ne mérite d’être modifié.
De hauts responsables ougandais ont également prêté appui au M23 : renforts militaires en RDC, livraison d’armes, assistance technique, planification commune, conseils d’ordre politique et appui dans les relations extérieures. Des unités des forces armées ougandaises et des forces armées rwandaises ont conjointement porté appui au M23 lors de la série d’attaques que le Mouvement a lancées en juillet 2012 pour s’emparer des principales villes du Rutshuru et bouter les forces armées congolaises hors du camp de Rumangabo. Les deux États, qui ont toujours défendu la cause des rebelles, ont également coopéré pour favoriser la création et l’expansion de la branche politique du M23. Le M23 et ses alliés comptent six personnes faisant l’objet de sanctions internationales, dont certaines résident en Ouganda ou au Rwanda, ou s’y rendent régulièrement.
Profitant d’une accalmie sur les lignes de front officielles, le M23 a cherché à constituer des coalitions avec d’autres groupes armés dans les deux provinces du Kivu ainsi que dans le district d’Ituri et au Kasaï Occidental. Le colonel Sultani Makenga s’est affirmé comme étant le « coordonnateur » des groupes armés alliés du Mouvement. En août et septembre, il a donné l’ordre aux Raia Mutomboki de lancer des attaques meurtrières motivées par des considérations d’ordre ethnique, qui se sont soldées par l’incendie de plus de 800 habitations et la mort de centaines de civils issus des communautés hutues congolaises de Masisi, dont les milices avaient refusé de s’allier au M23.
L’exploitation et le recrutement d’enfants soldats par des groupes armés, notamment le M23, se sont amplifiés. En particulier, plusieurs commandants du M23 connus pour avoir déjà recruté des enfants ont supervisé le recrutement et la formation de centaines de jeunes garçons et de jeunes filles. En outre, certains commandants du M23 ont ordonné l’exécution sommaire de dizaines de recrues et de prisonniers de guerre.
Les nombreuses tentatives du M23 de forger un front commun avec les groupes armés des ethnies hema et lendu, en Ituri, ainsi qu’avec les Banyamulenge du SudKivu se sont heurtées à une forte résistance. Pour contrer les alliances souhaitées par le M23, le Gouvernement congolais s’est employé à favoriser l’intégration de groupes armés, notamment en Ituri et au Masisi.
Alors que leurs effectifs sont au plus bas, les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), qui continuent cependant à commettre des exactions contre les populations civiles, reçoivent encore moins d’appui de l’extérieur qu’auparavant. Elles s’emploient essentiellement à résister aux attaques des forces armées congolaises et des alliés du M23. Des officiers subalternes des FDLR ont cherché à s’allier avec le gouvernement congolais contre le M23 et certains réseaux criminels des forces armées congolaises continuent de leur vendre des munitions en petites quantités. Cependant, il n’existe pas de preuve d’une coopération stratégique entre les FDLR et le Gouvernement congolais.
En ce qui concerne les groupes rebelles burundais, les Forces nationales de libération (FNL) restent divisées et font appel à des groupes armés congolais sur le terrain, tandis que le Front national pour la révolution au Burundi se dénomme désormais Front du peuple murundi (FPM) et s’est allié au M23 dans le Sud-Kivu.
Les Forces démocratiques alliées (FDA), sous contrôle ougandais, ont renforcé leurs moyens militaires en coopérant avec la mouvance Al-Chabab en Afrique de l’Est.
Les forces armées congolaises continuent d’être la proie de réseaux criminels qui permettent aux officiers supérieurs de s’enrichir par l’emprise sur les ressources naturelles et la contrebande, notamment par le trafic d’ivoire mené par des groupes armés. Le général Gabriel Amisi, chef d’état-major des forces terrestres, contrôle un réseau de distribution de munitions de chasse à des braconniers et des groupes armés, dont les Raia Mutomboki. Le désarmement et la gestion des stocks d’armes sont également entravés par la progression de la demande d’armes en rapport avec le M23 : sur le marché des armes légères, les prix ont été multipliés par quatre.
L’application des directives du Gouvernement congolais enjoignant aux exportateurs de minerai d’exercer leur devoir de diligence conformément aux lignes directrices de l’ONU et de l’Organisation de coopération et de développement économiques a quasiment mis un terme aux exportations d’étain, de tantale et de tungstène en provenance de l’est de la RDC; seules les exportations en provenance du nord du Katanga, où l’origine des minerais est certifiée depuis 2011, se poursuivent. La contrebande vers le Rwanda et le Burundi est en progression. La crédibilité du système rwandais de certification des minerais est menacée par le blanchiment de produits miniers congolais, les certificats d’origine étant couramment vendus par les coopératives minières. Plusieurs négociants ont financé le M23 au moyen des bénéfices qu’ils tirent de la contrebande de minerais d’origine congolaise au Rwanda.
Alors que la production de minerai d’étain a régressé dans les Kivus, celle de minerai de tantale et de tungstène se poursuit malgré la certification exigée par la communauté internationale, ces deux produits étant plus faciles à exporter en contrebande. Les exportations rwandaises de tantale et de tungstène ont donc progressé d’autant en 2012, tandis que celles d’étain ont reculé.
La baisse des cours et le recul de la production ont eu, dans certains bassins miniers, des incidences préjudiciables sur le plan socioéconomique. Toutefois, de nouveaux débouchés sont apparus là où ces bassins se sont adaptés à d’autres secteurs de l’économie. La sécurité s’est améliorée dans la plupart des grands bassins d’extraction de l’étain et du tantale, de sorte que le financement des conflits s’y est amenuisé, et la surveillance ainsi que les contrôles exercés par les autorités civiles et les organisations non gouvernementales s’y sont approfondis.
Les groupes armés, les réseaux criminels des forces armées congolaises et les mineurs se déplacent aisément vers les bassins aurifères, où le devoir de diligence n’a pas eu d’incidences sur les échanges. Le minerai d’or extrait dans l’est de la RDC est en quasi-totalité exporté en contrebande; quelques grands négociants de Kampala et de Bujumbura en réexportent ainsi plusieurs tonnes par an, qui représentent des centaines de millions de dollars des États-Unis. La plus grande partie de l’or d’origine congolaise qui se retrouve dans les Émirats arabes unis est fondu et revendu à des bijoutiers. Le gel des avoirs imposé par le Conseil de sécurité n’a en rien entravé les opérations de l’ancien propriétaire de l’entreprise Machanga Ltd.; en effet, bien que visé par les sanctions, il continue d’exporter sa marchandise par le biais de sociétés-écrans, et à transférer d’importantes sommes d’argent à ses fournisseurs en RDC.
cliquez ici integral
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.